Les Tramways de la Sarthe - Gare de Saint-Denis d’Orques

La création des Tramways de la Sarthe est due à la rencontre entre un maître de forges, qui souhaite obtenir une desserte ferroviaire de ses usines, avec des constructeurs de matériel ferroviaire et des capitalistes.

Cette association va se traduire par la création de plusieurs réseaux départementaux en France, dont celui de la Sarthe qui atteindra 430 km. La formation de ce réseau s’est effectué en étapes successives. 

Saint-Denis d’Orques – Gare

Le 18 avril 1878, le Conseil Général présente un appel à candidatures pour la concession d’une ligne d’Antoigné à Ballon avec desserte de la fonderie Chappée et une ligne devant relier Le Grand Lucé au Mans.

C’est M. Falies qui fut retenu par la convention du 28 décembre 1878 sous le régime de la Loi Migneret de 1865. L’Etat subventionne le tiers des dépenses. Le département livre les terrains et reçoit un quart des recettes.
Le concessionnaire prend à sa charge la superstructure, le matériel fixe et roulant ainsi que l’outillage nécessaire à la maintenance. 

Saint-Denis d’Orques, Gare des Tramways.

Après des hésitations sur la largeur de la voie à adopter 0,75 m ou 1 m, la déclaration d’utilité publique est présentée le 27 avril 1879 et le décret paraît le 6 mars 1880 (le choix de la largeur de voie sera d’1 m). Les travaux des deux premières lignes commencent la même année.

Suite à la réussite des premières lignes, le Conseil Général décide la construction, sous la loi Freycinet de 1880, du prolongement du Grand-Lucé à La Chartre (17,7 km), ainsi que la construction de la nouvelle ligne Le Mans - Loué - St Denis d’Orques (45,7 km).

Carte de la ligne entre Le Mans et Saint-Denis d’Orques

Le 11 août suivant, la société anonyme se subtitue au concessionnaire primitif et prend la dénomination de « Compagnie des Tramways de la Sarthe ».
La ligne Le Mans - St Denis d’Orques est la première ligne concédée à la nouvelle compagnie et sera ouverte à l’exploitation le 17 septembre 1888.
Le raccordement de la gare de St Denis d’Orques avec la gare de St Jean-sur-Erve (département de Mayenne) aura lieu le 10 septembre 1907.
Les faibles résultats de l’exploitation conduisent à suspendre le service sur différentes lignes.
La section interdépartementale reliant la gare de St Denis d’Orques à St Jean-sur-Erve sera fermée définitivement le 1er janvier 1934.
La section Loué - St Denis d’Orques est fermée à tout trafic le 1er janvier 1935.

Saint-Denis d’Orques – Gare

Compte tenu de l’état de guerre, le service reprend sur certaines lignes, mêmes déclassées, mais non déposées. Le trafic «voyageurs» a été fermé, entre St Denis d’Orques et Le Mans, de début 1937 à mi-septembre 1940.

Entre ces deux dates, seuls des trains de marchandises auraient circulés, mais avec récupérations de rails et appareils de voies de croisement dans certaines gares, comme par exemple à Degré-La Quinte.

Dès le 15 septembre 1940, le Préfet de la Sarthe signe un arrêté de remise en service des lignes pour permettre la reprise de circulation.

L’année la plus mouvementée du réseau fut assurément 1944, où les sabotages et bombardements se poursuivirent jusqu’à la Libération. 

En 1945, la demande de transport s’amplifie, la mise en service d’autorails en avril améliore fortement la desserte des voyageurs.

Début juin 1946, les premières estimations présentées au Ministère sont rejetées avec une annonce d’un déficit de l’ordre de 18 millions de francs.

Partant de cette situation, le Ministère demande la suppression du réseau et le remplacement des Tramways de la Sarthe par un service d’autocars, la STAO, qui offre d’assurer l’exploitation sans contrepartie.

On peut résumer l’activité de la gare de St Denis d’Orques ainsi :
DUP : 20 août 1885
Ouverture : 6 septembre 1888
Suspension : 1er juillet au 13 octobre 1921,
14 juillet au 15 septembre 1940,
6 août au 24 octobre 1944,
Fermeture : 1er janvier 1947.

La construction des réseaux des Tramways de la Sarthe a été réalisée dans la recherche de l’économie. Elle obéit à la règle des 3 x 15 : rails de 15 Kg/m, locomotives de 15 T., vitesse commerciale de 15 Km/h. Les lignes empruntent souvent, les rues des villes et des villages suivant l’accotement des routes.

Les gares intermédiaires comprennent fréquemment une voie directe, une voie de manœuvre et de croisement, possèdent une plaque tournante et sont équipées d’un point d’eau. 

Les bâtiments sont constitués d’un abri voyageur ouvert sur l’extérieur et d’un bureau pour la receveuse qui est isolée par une porte, du reste de la gare.

A St Denis, il existe encore la remise pour la locomotive construite à la même époque que la ligne de Tramways. La poutre de charpente était façonnée pour laisser le passage de la cheminée de la machine ; sur le toit une double charpente, plus petite et surélevée, permettait la ventilation du local. 

Ces détails ont disparus lors de la remise en état du lieu, mais sont visibles sur les cartes postales du XIXème siècle.

A proximité fut construite une maison à étage, avec une grange-remise pouvant servir d’étable. La construction fut réalisée par les époux Bourgault qui occupèrent la maison d’habitation jusqu’en 1924 (décès de Mme Bourgault).

Sources : M. Claude Wagner (Les Tramways de la Sarthe du XIXe au XXe siècle), 
Archives historiques de la SNCF.

Peintures de Claude Wagner sur le Tramway de la Sarthe

L'Arlésienne des Tramways de la Sarthe passe sur le pont en X – Avril 1902. ©Claude Wagner

Départ de Saint-Denis d’Orques, printemps 1923. ©Claude Wagner

©Claude Wagner - 12.2006

©Claude Wagner – 06.001

Départ du tram pour St Denis, mai 1912. ©Claude Wagner – 07.2007

©Claude Wagner – 06.001

Trangé-Chaufour, Septembre 1944. ©Claude Wagner – 01.2008

©Claude Wagner - 05.001

Saint-Jean-sur-Evre, avril 1932. ©Claude Wagner – 01.2008

Loué, avril 1944. ©Claude Wagner – 02.2008

Petit texte sur les petits trains de la Sarthe

Teuf ! Teuf !
Ecoutez-le dans votre souvenir,
Regret du temps passé, vous poussez un soupir.
Ah ! il rendait service, ce petit train à vapeur
Malgré son inconfort et malgré sa lenteur,
Wagonnet sur les rails, il allait son p’tit train
Arpentant la campagne, c’était comme un copain,
Y aura-t-il demain encore des petits trains ?

JIPE

Principales dates du tramway en France

Quelques dates :
- 1775, créé par John Outram (traction animale). 
- 1809, premier tramway pour voyageurs, à traction animale, Gloucester/Cheltenham (G.-B.). 
- 1832, l’ingénieur français Louba crée tramway New York/Harlem. 
- 1853 : ouverture de la ligne Concorde/Versailles. 
- 9 août 1873 : Mac-Mahon déclare d'utilité publique « l'établissement d'un réseau de voies ferrées desservies par des chevaux dans Paris et sa banlieue ». 
- 14 août 1876 : première ligne de tramways à vapeur (système Harding) gare Montparnasse/gare d'Orléans. 
- 1881 Berlin : premier tramway électrique (Werner von Siemens).

Premier tramway électrique au monde, à Lichterfelde, près de Berlin, construit par Siemens© Siemens AG, Transportation Systems

- 1888 : l’ingénieur suisse Thory ouvre ligne Vevey-Montreux (électrique) et le 1890-7-1 Clermont-Ferrand, ligne Montferrand/place de Jaude (électrique). 
- 1936, Paris : restent 28 lignes, 210 km ; autobus : 202 lignes (1 672 km). 
- 15 mars 1937 : dernière ligne de tramway parisienne intra-muros (123-124) supprimée. 
- 14 août 1938 : dernière ligne de banlieue (112) supprimée. 
- Après 1945 : nombreuses suppressions, les réseaux, peu modernisés avant 1939, sont à bout de souffle (matériel roulant ancien, voies et installations ont souffert du manque d'entretien). 
- 1966 : suppression à Valenciennes, seules 4 agglomérations conservent un réseau ou 1 ligne : Marseille : ligne 68 (Noailles-St-Pierre avec souterrain de 1 km pour accéder centre-ville) ; Lille/Roubaix/Tourcoing ; St-Étienne : ligne nord-sud « Bellevue-Terrasse » ; Laon. 
- 1974 : Marcel Cavaillé, secrétaire d'État aux Transports, lance un concours pour un mode de transport en site propre ; Alsthom proposera Citadis (tramway articulé à plancher bas partiel). 
- 7 janvier 1985 : Nantes, Alsthom propose le premier tramway articulé standard. 
- 1987, premier tramway articulé avec plancher surbaissé sur 70 % de la largeur du véhicule (type Grenoble). 
- 1994, Eurotram : premier tramway entièrement surbaissé. 


Documents d’archive traitant du matériel de chemins de fer et d’entrepreneurs












Documents du Matériel de Chemins de Fer et d’entrepreneurs.
Chappée & Fils Fondeurs-Constructeurs, Le Mans, 1911.


Grue-Réservoir, Chappée & Fils Fondeurs-Constructeurs, Le Mans.

Documents de Bernard Houel

Des documents inédits sur les Tramways de la Sarthe

Les Archives départementales viennent d’acquérir un ensemble inconnu de documents propres à l’existence des tramways de la Sarthe (1883-1947). Reste désormais à en exploiter le contenu.

« Le Maine-Libre » : Quelle est la nature de ce fonds ?
Samuel Gibiat, Directeur des Archives :
Il s’agit d’un ensemble d’archives familiales et d’entreprise réunies par Charles-Paul Dorizon, (né à Paris le 2 août 1861), directeur de la Compagnie des Tramways de la Sarthe (des années 1930 à sa dissolution en 1947). Cette compagnie chargée de l’exploitation des lignes du plan Freycinet (second désenclavement ferroviaire d’intérêt local) a été créée conformément aux statuts de 1883. Ces documents étaient conservés « dans leur jus », au domicile familial de la rue Chanzy au Mans. Les documents les plus anciens remontent à 1886, les plus récents datent de 1963, époque de la liquidation des derniers avoirs de la compagnie. La période du Front Populaire (1936-1939) semble la plus densément représentée.

De quoi est composé ce fonds ?
L’ensemble est composé d’archives en liasses, registres, tirages photographiques, procès-verbaux des conseils d’administration (12 volumes), correspondances, plans techniques, coupures de presse, illustration de matériels ferroviaires en situation avec le personnel, des dessins de gares, des photos d’accidents (comme celui de Dehault) ou de destruction (les bombardements de la guerre)… dans un très bon état de conservation… bien que très empoussiéré !

C’est une acquisition originale autant que rare ?
Notre rôle est la collecte réglementaire des archives publiques produites par les administrations et collectivités du département. Il n’empêche, les Archives départementales s’inscrivent dans une politique volontariste d’acquisition d’archives d’origine du privé. Ce qui est fragile. Rien n’oblige à ce qu’elles soient conservées ni transmises à des institutions spécialisées en vue de leur sauvegarde et valorisation.

Samuel Gibiat : « L’acquisition de fonds privés est exceptionnelle qui concerne le patrimoine local ».
Photo de Hervé Petitbon

Mais il s’agit d’une acquisition nécessaire ?
En une époque où la mondialisation tend à gommer les spécificités identitaires locales, la sauvegarde du patrimoine sous toutes ses formes est un véritable enjeu de civilisation plus encore que de mémoire. C’est dire tout l’intérêt que nous apportons à l’acquisition d’archives privées.

Quand le public pourra-t-il y accéder ?
Nous présenterons ce fonds au cours d’une exposition avec les Archives historiques de la SNCF, qui sera présentée en juin 2013.

En même temps nous pouvons espérer que le sujet tentera un universitaire, un étudiant pour son exploitation, ce qui serait complètement original dans la mesure où les documents apparaissent pour la première fois.

Propos recueillis par Jacques Guichard
Article du Maine-Libre du 16 juillet 2012

Œuvres du dessinateur parisien, mais sarthois d’adoption, Pierre Delarue-Nouvellière

Le pont en X du Mans. © Delarue-Nouvellière, 1970

Tramways de la Sarthe – Manœuvre en gare de Coulans. ©Delarue-Nouvellière, 1972.

Le voilà, notre cher Souvenir ! à la « d’vallée » au passage à niveau ( !) vicipal de la Devaisière. Il est parti du mans, gare Nougat, sur le coup de cinq heures, il arrive fumant à Coulans. ©Delarue-Nouvellière pour 1967.

Il vit toujours dans le cœur de ceux qui l’ont connu et aimé. ©Delarue-Nouvellière

Passage à niveau proche de la gare de Trangé-Chauffour, avec l’expression de mes sentiments cordiaux. ©Delarue-Nouvellière.

Une délégation officielle du conseil général examine une automotrice des Tramways de la Sarthe

Sur l’initiative du Conseil général et de l’Administration départementale, la Compagnie des Tramways de la Sarthe a déjà mis en service trois automotrices rapides et confortables qui répondent aux vœux des usagers : deux machines « de Dion », à essence, et une « Saurer-Diesel », à huile lourde, et une quatrième doit bientôt être acquise.

Gare centrale des Tramways de la Sarthe au Mans

La Société centrale de chemins de fer et d’entreprises, dont le siège est au Mans, fabrique dans ses usines de Prix-Lès-Mézières (Ardennes) un genre d’automotrices à voile métrique. Une de ces machines a été commandée par la Compagnie des chemins de fer du Morbihan.

M. Verney, administrateur délégué de la Société, a voulu profiter du passage de la voiture dont la livraison s’effectue ces jours-ci, à peu de distance du département de la Sarthe, pour présenter le modèle aux services intéressés.

Aimablement invité à assister aux démonstrations, nous nous sommes joints hier matin, à 8 h 30, au groupe de personnalités qui, place de la Préfecture, prit place dans un autobus de la S.T.A.O. pour se rendre à Loué, où l’automotrice était garée, les essais devant avoir lieu entre cette dernière ville et Le Mans.

La nouvelle voiture est d’un aspect très engageant avec sa caisse peinte en vert et crème. L’intérieur s’inspire heureusement de la ligne moderne. Les fauteuils spacieux et confortables à souhait, sont groupés deux à deux face à la route, avec passage au milieu. À l’avant, le poste de pilotage est isolé du public, et à l’arrière se trouve aménagé une sorte de petit compartiment à bagages, muni également de strapontins en cas d’influence de voyageurs, en tout 26 fauteuils, deux se trouvant adossés au poste de pilotage et 8 strapontins.

M. Verney fait un rapide exposé des caractéristiques du modèle : hors tampons 9m55 ; de la caisse 8m75 ; de l’emplacement utilisable 7m35 ; hauteur du plancher au-dessus des rails 0m85 ; hauteur intérieur de la caisse 2m10 ; largeur extérieur 2m30 ; empattement 4m30 ; poids à vide 7 tonnes 5 ; en charge environ 11 tonnes ; vitesse maximum 55 kilomètre-heure pouvant être portée à la demande à 70 et 80 kilomètres.

Le moteur est un Diesel-Panhard, 6 cylindres, sans soupapes de 8 litres 900 de cylindrée, d’une puissance maximum de 105 CV. Il consomme de l’huile lourde, 18 litres environ aux 100 kilomètres, et 22 litres avec la traction supplémentaire d’un wagon de 10 tonnes.

Le freinage comprend un frein à pédale agissant sur les quatre roues, un frein à main agissant sur les roues motrices, un frein électromagnétique sur rails et une pompe à vide dans une conduite étanche pour le freinage de la remorque.

Le chauffage est assuré par une tuyauterie où passent les gaz d’échappement.

Et le tout se complète d’un vérin de retournement breveté qui permet l’en […] l’ensemble de prendre une direction diamétralement opposée sans avoir recours aux plaques tournantes.

La voiture automotrice soulevée hors des rails par le vérin, prête à pivoter. On distingue, le frein électromagnétique entre les roues arrière et le vérin lui-même.

Nous prenons place à l’intérieur, et l’automotrice qui démarre doucement, franchit comme en jouant, l’obstacle que présente une courbe très prononcée de la voie. Puis, prenant de la vitesse, elle s’arrête sans heurt, sur un signe de M. Verney, les freins agissent sur une vingtaine de mètres. À la petite station de Vallon-sur-Gée, nouvel essai concluant de freinage, à vide, malgré la voie, très « grasse » par suite du brouillard, le frein électromagnétique agissant effectivement sur le rail lui-même.

L’intérieur du véhicule

Puis dans une tenue de marche excellente, l’automotrice arrive au Mans vers 10h45, où à la gare centrale des tramways on procède au « retournement » de la machine. Après que deux madriers eurent été glissés sous le vérin pour servir de points d’appui, le moteur fonctionnant, la voiture se soulève au-dessus des rails, il ne reste plus qu’à la faire pivoter et le véhicule après avoir opéré un demi-tour sur lui-même est replacé de la même façon sur la voie.

Toues les personnes présentes, parmi lesquelles M. Claudon, le distingué ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, MM. Monchâtre, d’Aillières, Soury, Begland, docteur Pottier, Chapin, conseillers généraux, MM. De l’Escale, ingénieur en chef adjoint de l’exploitation des chemins de fer de l’Etat ; Fronteau directeur de la Compagnie des tramways à vapeur ; Duroy, ancien inspecteur ; Conin, chef de dépôt ; Hiret, président de la Chambre de commerce ; Pellier, vice-président de la S.T.A.O. ; Garczinski, Barillet, Groult, Cornely, directeur de la S.T.A.O., etc., ont été très intéressés par ces démonstrations et furent unanimes pour complimenter MM. Verney père et fils, pour la présentation parfaite de cette nouvelle automotrice.

Ajoutons pour être complet qu’un vin d’honneur fut offert par M. Verney à l’intérieur même de la voiture, ce qui ne manquait pas, avouons-le, de piquant et d’originalité.

L’automotrice Diesel a maintenant regagné Laval, par la voie étroite, puis hissée sur un wagon spécial, elle a été dirigée sur Vannes où elle doit arriver dans la journée de demain.

Article du journal La Sarthe du 13 février 1934